La population des Grands Tétras, ces prestigieux gallinacés, a dramatiquement fondu dans le massif vosgien. Bien que ces grands oiseaux, très farouches, aient toujours fait partie de la faune soustraite à l'observation commune des promeneurs, sinon au fusil des chasseurs, ils ne constituaient pas moins un des joyaux de notre patrimoine naturel et ancestral.
L'effectif des coqs était estimé à plus 1100 en 1939. Il n'était plus que 170 environ en 1989. Depuis 2002, leur nombre, quelque peu stabilisé, est évalué à une cinquantaine seulement, soit une diminution de 70% en moins de 15 ans ! Dans le même temps, leur aire de présence régulière est passée de 26000 hectares à 13000 morcelés en zones de faible étendue. Or, ces oiseaux exigent de grands espaces.
Les causes de ce déclin sont multiples. Les spécialistes mettent au premier rang les changements intervenus dans la gestion et l'exploitation sylvicole. Les tétras sont inféodés aux vielles forêts de conifères ou mixtes. Il leur faut de grands arbres pour se percher et se nourrir en sécurité. En hiver surtout, les aiguilles de sapin et de pin constituent l'essentiel de leur alimentation. Leur tube digestif abrite une faune bactérienne qui leur permet d'assimiler la cellulose. Pendant la belle saison, ils affectionnent les petites clairières où ils se nourrissent de bourgeons, de baies - myrtilles surtout - et d'insectes. Cette alternance de hauts fûts et d'espaces clairs couverts de végétation basse est le propre des peuplements sylvicoles âgés. Ceux de plus de 120 ans sont les plus favorables à l'espèce. Or, ce stade de sénescence est devenu rare suite au rajeunissement systématique de la forêt entrepris depuis une trentaine d'années dans le massif vosgien. A cet égard, la tempête de 1999 est devenue une circonstance aggravante.
En deuxième lieu, le développement à une vaste échelle inconnu dans le passé, du tourisme et des activités sportives en tout genre et sans limites est très préjudiciable à cette espèce qui ne supporte pas tout dérangement. L'extension considérable des routes et chemins de desserte produit une fragmentation des derniers refuges des coqs de bruyère où retentissent le vrombissement des autos, motos et quads, sans compter le tumulte des meutes de touristes sans retenue.
Paradoxalement, ces oiseaux qui aiment à évoluer dans les grands arbres nichent à terre où les Sufs et les oisillons sont très exposés à la prédation des renards et des sangliers à présent en surabondance favorisée par les agrainages. De même, la trop forte densité des cervidés dans les zones encore fréquentées par les tétras est susceptible de réduire la disponibilité des myrtilles si utiles à l'alimentation estivale de ces gallinacés.
Par sa majestueuse prestance et sa grande taille, le coq de bruyère est sans équivalent dans l'avifaune de notre pays. Il serait très déplorable qu'il y disparaisse, ce qui reste à craindre en dépit du plan national de sauvegarde adopté en 2009 sous l'égide du Ministère de l'Ecologie. En effet, les mesures préconisées par les spécialistes exigent une volonté et une action concertées et cohérente entre des acteurs aux intérêts divergents:collectivités territoriales et locales, propriétaires forestiers privés et publics, chasseurs de grand gibier, initiateurs et exploitants des stations de sport d'été et d'hiver, promoteurs du tourisme et des activités de plein air etc.