Bouton d'or

Le soleil qui se lève commence à éclairer doucement le marais. Un splendide paysage, préservé. Le vert domine. Les touffes de carex sont nombreuses; quelques iris ouvrent leur bien jolies fleurs jaunes. Ici ou là, un arbuste, un roncier complète le paysage. Un troupeau de chevaux galope, l'air libre et joyeux. C'est l'heure du récital. Le rossignol, comme toujours, en ces premiers jours d'avril, donne de la voix. Bien d'autres aussi.Voici que sur cet inoubliable fond vert, se détache une fleur. Le bouton d'or…

Mais non ! Jamais bouton d'or n'a été aussi gros. Ce jaune, pourtant… Un de ces jaunes, une de ces couleurs qui ravivent la vie. Nous le savons tous, "La vie est bien amère lorsqu'on la boit sans sucre". Ce jaune est donc sucré, car il rend belle la vie. A qui appartient-il ? A une amie. Une amie du printemps, c'est-à-dire printanière. Motacilla flava, la bergeronnette du même nom.Tout de vert vêtu, le photographe s'approche, la tête pleine de suppliques muettes. N'aies pas peur, soit gentille….L'oiseau a entendu…. L'oiseau chante ! Merci l'oiseau ! Merci du fond du coeur.

Un voyage pour les nids

Dans les premiers jours d'avril, notre amie nous revient, après avoir passé l'hiver au sud du Sahara, du Sénégal au Kenya. Avec ses 17 grammes, la Bergeronnette printanière figure parmi les grands migrateurs. Plus de 8 millions de couples viennent nicher en Europe. De 60 000 à 240 000 couples choisissent la France. Une dizaine de sous espèces ont été recensées. Et ceci n'est pas tout, car les hybridations ne sont pas rares. Attention, donc, au diagnostic ! Notre pays accueille essentiellement la Bergeronnette printanière type, Motacilla flava flava, et, sur le pourtour méditerranéen, la Bergeronnette printanière ibérique, Motacilla flava iberiae. Cette dernière se distingue par une tête plus sombre et une gorge blanche plus importante. Ce sont les plaines basses et humides qui ont, surtout, sa faveur. Les mâles arrivent les premiers et prennent contact avec leur futur territoire. Ils lancent leurs appels des points les plus élevés. L'oiseau est belliqueux. Dés que les femelles arrivent, chacun défend jalousement son petit lopin de terre. Les bagarres sont fréquentes. La poitrine gonflée, la tête vers l'arrière, les ailes tombantes, deux galants de précipitent l'un contre l'autre, et le combat ne cesse que lorsque l'un des deux, renonce. Ces escarmouches ne passionnent guère les dames. Seules les parades nuptiales retiennent leur attention. Monsieur trottine autour de la belle, la queue étalée, le plumage hérissé; il la survole, partant à la verticale, puis se pose les ailes vibrantes, encore levées. C'est Madame qui sollicite l'accouplement, en s'aplatissant et tournant sur elle-même, toutes rectrices relevées. Honneur aux dames ! C'est la femelle qui choisit l'emplacement du nid. Il se situe à terre. Sous une motte, ou une touffe d'herbe, ou bien dans l'empreinte profonde du pas d'un cheval ou d'un boeuf. Dans les prés, au bord d'un fossé, ou au flanc d'un talus. Cette petite coupe est composée de brindilles et de feuilles sèches. Bien sûr, pour le confort des enfants, la partie centrale est garnie de matériaux plus fins, de crins, de laine animale, et parfois même, de plumes. En dépit de son tempérament querelleur, la Bergeronnette printanière niche souvent en colonies, dans les lieux favorables; les territoires sont plutôt exigus, les nids n'étant parfois distants que d'à peine cinquante mètres. Dans les endroits les plus accueillants, la densité peu atteindre 4 couples à l'hectare. Quand vient l'heure de passer à table, les oiseaux partent se nourrir à l'extérieur de leur territoire, sur les herbes poussant à la surface des mares ou des étangs, quelque fois dans les champs, tous endroits qu'ils considèrent comme neutres en quelque sorte. Généralement au milieu du mois de mai, la ponte commence. Elle se poursuit jusqu'en juin. Cinq ou six oeufs blanc jaunâtre ornent la coupe familiale. Monsieur se fait alors très discret et se tient silencieux proche du nid. Il ne le trahira pas. Mais il ne participe pas davantage à l'incubation qui dure de 12 à 13 jours à compter du dernier oeuf pondu. Dés la naissance des petits, la vigilance est de mise. Les parents manifestent vite leur anxiété par des cris incessants destinés à détourner l'attention de l'observateur. Point de becquée aussi longtemps qu'il ne s'éloignera pas. Douze ou treize jours plus tard, les oisillons quittent le nid. Treize jours d'incubation, treize jours de nourrissage. Ils ne savent pas voler encore. Pour les parents, cela veut dire encore quelques jours d'efforts. Sortis du nid, pas encore autonomes. Il faut veiller sur eux. Compléter leur instruction. Puis les semaines passent…

Bref séjour

Les familles se rassemblent, et s'éloignent, progressivement, du premier territoire. Promenades en famille…Qui préparent au grand voyage. Dès juillet, des oiseaux isolés se montrent, à grande distance des sites de nidification. Encore quelques hésitations… Septembre donne le signal du départ, bien que quelques uns restent parmi nous jusqu'au mois d'octobre. Cap au Sud ! Les migrateurs, en troupes souvent nombreuses, profitent de l'aube et poursuivent leur route parfois jusqu'à la fin de la matinée. Ils franchissent les montagnes, les mers, et même les déserts. Quelle force n'est-elle pas celle de l'oiseau. Des milliers de kilomètres, malgré cette petite taille. Bien heureusement, des haltes migratoires leur permettent un peu de repos. Pour les uns, la destination sera le Sénégal, ou bien la Côte d'Ivoire; d'autres iront rejoindre le Kenya, certains le Cameroun. Les plus intrépides iront jusqu'en Afrique du Sud, dans la province du Cap. Là, ils trouveront chaleur, quiétude et nourriture. Mystérieux oiseaux que nous ne pouvons qu'admirer, tant leur courage et leurs forces sont grandes. Grande aussi, leur beauté ! Quant s'annoncera l'automne et ses premiers brouillards, il faudra les saluer, revenir sur les très beaux souvenirs que leur présence nous a laissés, et, bien sûr, leur adresser nos voeux, pour un voyage sans embûches, un hiver serein. Enfin, les espérer, pour le printemps prochain.

Créé le 15/05/2012 par Patrick Fichter © 1996-2024 Oiseaux.net